
Budget et PAC: Bruxelles donne le coup d'envoi de deux ans de négociations

La Commission européenne va mettre sur la table mercredi sa proposition de budget de 2028 à 2034, donnant le coup d'envoi de deux ans de négociations tendues, notamment sur l'avenir de la politique agricole commune.
Le Copa-Cogeca, lobby des agriculteurs européens, a déjà promis durant la journée une "marche symbolique" à Bruxelles, sans tracteurs, pour protester.
L'équation budgétaire de l'Union européenne relève du casse-tête.
Déjà exsangues, les Etats ne veulent pas mettre davantage dans le pot commun, tandis que la liste des dépenses ne cesse de s'allonger: investissements dans la défense, remboursement de l'emprunt européen contracté pendant la pandémie de Covid, soutien à l'industrie...
Le tout au moment où les négociations commerciales sont difficiles avec les Etats-Unis de Donald Trump.
Quels seront les montants proposés pour la nouvelle feuille de route budgétaire de l'Union européenne? Et avec quelles ressources?
Le "cadre financier pluriannuel" actuel, en 2021-2027, représentait environ 1.200 milliards d'euros. Il était financé par les contributions nationales — soit environ 1% du revenu national brut des Etats membres — et par des ressources propres de l'UE comme les droits de douane.
Volontariste, le Parlement européen réclame un budget "plus ambitieux" pour la période à venir.
"L'Union ne peut pas faire plus avec le même montant, ni avec moins. Au final, une augmentation de budget est indispensable", martèle ainsi l'eurodéputé roumain Siegfried Muresan (PPE, droite), l'un des rapporteurs de cette feuille de route budgétaire.
Mais les vœux des parlementaires seront difficiles à exaucer.
Notamment pour un sujet hautement inflammable: la politique agricole commune. La PAC est le premier poste de dépenses de l'UE jusqu'ici, avec 387 milliards d'euros sur sept ans de 2021 à 2027, dont 270 milliards d'aides directes aux agriculteurs.
- "Ni stable, ni suffisant" -
Selon un document qui a fuité lundi, Bruxelles s'apprête à proposer une réforme de l'architecture budgétaire de sa politique agricole, qui serait intégrée à un fonds beaucoup plus vaste de "partenariat national et régional", ce que redoutaient les agriculteurs.
"Centraliser les financements de l'UE dans un fonds unique (...) risque de dissoudre la politique agricole commune", avec "moins de garanties", fustige le lobby Copa-Cogeca.
Et le Parlement s'y oppose également, selon l'eurodéputé Siegfried Muresan.
La Commission se veut pourtant rassurante. La PAC continuera de fonctionner avec des règles propres et de moyens financiers fléchés, assure-t-elle, en particulier pour les aides directes aux agriculteurs.
Au moins deux dispositifs sur le soutien aux régions rurales défavorisées et l'innovation agricole quitteraient cependant le giron des financements PAC pour rejoindre ceux destinés à la cohésion des territoires.
La Commission voudrait aussi revoir le mode de calcul des versements de la PAC, afin de mieux cibler ses bénéficiaires.
Pour éviter de trop financer les plus grandes exploitations, Bruxelles voudrait plafonner à 100.000 euros les aides à l'hectare et introduire une dégressivité. Mais là encore, le bras de fer s'annonce difficile.
Autre sujet, les enjeux climatiques, au moment où les Verts craignent que les contraintes budgétaires poussent à sacrifier les crédits consacrés à la protection de l'environnement.
Dans ce domaine comme dans d'autres, la Commission cherche de nouvelles ressources. Elle devrait par exemple proposer un prélèvement forfaitaire sur le chiffre d'affaires des grandes entreprises, une taxation supplémentaire sur le tabac ou une nouvelle taxe sur les déchets électroniques non recyclés.
"Ce n'est ni stable, ni suffisant", estime la centriste Fabienne Keller. "On continue de confier de nouvelles missions à l'UE sans lui donner les moyens nécessaires pour les accomplir", regrette cette eurodéputée française.
La proposition de la Commission fera l'objet de négociations avec les Etats membres et le Parlement pendant de longs mois.
Mais "comme d'habitude, tout se finira par cinq jours de négociations" entre les 27, prédit un fonctionnaire européen.
En juillet 2020, lors des ultimes tractations sur le précédent budget, la Première ministre danoise Mette Frederiksen avait dû décaler son mariage pour participer à un sommet décisif à Bruxelles.
T.F.Russell--TNT