Cocaïne, survols de drones: Anvers est un port "vulnérable", avertit son PDG
Le port d'Anvers, en Belgique, était déjà confronté au défi de la lutte contre le trafic de cocaïne. Sa direction s'inquiète désormais qu'il puisse être la cible d'attaques de drones, dans la "guerre hybride" imputée par les Européens à la Russie.
"Dès qu'on veut créer le chaos, on attaque le moteur économique d'un pays. Ici malheureusement c'est le port. On est très vulnérables, c'est inquiétant", déclare Jacques Vandermeiren, PDG de cette gigantesque plateforme, dans un entretien avec l'AFP.
En novembre, le deuxième port de marchandises en Europe a été survolé par des drones d'origine inconnue, à l'instar d'autres sites stratégiques de Belgique, militaires et civils. Aucun explosif n'a été détecté. Il n'y a eu aucun blessé.
Si la Russie n'a pas été officiellement pointée du doigt, cette série d'incidents a été vue par les autorités belges comme la preuve d'une opération coordonnée de "déstabilisation" émanant manifestement d'un acteur "étatique", tous les regards se tournant vers Moscou.
Depuis l'invasion russe de l'Ukraine en 2022, l'Europe reproche à la Russie de Vladimir Poutine de se livrer à une "guerre hybride" de plus en plus intense, faite de sabotages, de cyberattaques et d'ingérence. Des accusations réfutées par Moscou.
En Belgique, la question de la vulnérabilité d'Anvers a surgi fin 2024, quand l'actuel Premier ministre Bart De Wever (alors maire de la cité flamande) a sollicité de l'armée un renforcement de la défense antiaérienne pour mieux protéger une zone portuaire de 12.000 hectares.
"Il a eu raison", commente Jacques Vandermeiren, expliquant qu'à l'inverse de la plupart des pays européens, la Belgique n'a pas amélioré cet aspect de sa défense depuis trois ans, "contrairement à ce qui a été convenu avec l'Otan".
Lors des récents survols inexpliqués, qui ont aussi concerné une centrale nucléaire située en bordure du port, "on a vu les drones, mais nos systèmes de radars ne les ont pas détectés, en raison des technologies utilisées".
Conséquence: de nouveaux radars mobiles susceptibles de prévenir d'éventuels actes malveillants seront livrés "dans les plus brefs délais". "C'est la bonne nouvelle".
- La "guerre" au narcotrafic -
Quant aux batteries antiaériennes américaines Patriot, une solution déjà évoquée par M. De Wever, "malheureusement il faut attendre cinq, six, sept ans avant de les avoir... si on veut les acheter", poursuit M. Vandermeiren.
Rotterdam, Hambourg, Brême, Le Havre: "tous les ports d'Europe de l'ouest sont plus que jamais concernés par cette problématique" des moyens de défense, fait-il aussi valoir.
Et relever à 5% du PIB national les dépenses de sécurité dans l'Otan à l'horizon 2035 vise justement à inclure le coût de travaux destinés à renforcer des infrastructures clés telles les chemins de fer, tunnels ou ponts. Ce dont le port d'Anvers espère profiter, selon son PDG.
Au chapitre des défis, le port flamand est aussi une des principales voies d'accès de la cocaïne sur le continent européen, en raison de son lien commercial historique avec l'Amérique du Sud.
Et si l'an dernier les saisies de poudre blanche y sont tombées à 44 tonnes, contre un record de 116 tonnes en 2023, Jacques Vandermeiren ne crie pas victoire.
Certes les contrôles ont été renforcés à Anvers, et la coopération améliorée avec les pays d'expédition, mais "si on saisit davantage chez le voisin, on a simplement déplacé le problème", constate-t-il. Une allusion au bond des interceptions en 2024 dans le port français du Havre.
"Créatifs et flexibles", les narcotrafiquants adaptent sans cesse leurs méthodes pour atteindre le consommateur, selon M. Vandermeiren, et "on ne gagnera pas cette guerre tant qu'on ne s'attaque pas à la consommation!".
Pourquoi la demande en stupéfiants est-elle si forte aux Etats-Unis et en Europe et moins au Japon par exemple ?, interroge-t-il.
"J'ai pu discuter avec eux. Les producteurs de bananes en Equateur et en Colombie m'ont dit qu'aucun conteneur de bananes ne partait jamais vers Tokyo ou Kobe en dissimulant de la cocaïne".
A.Parker--TNT