
"Nous allons à la ruine": des Iraniens frappés de plein fouet par les sanctions

Pour Helia, graphiste de 33 ans, le rétablissement dimanche des sanctions de l'ONU contre l'Iran anéantit les espoirs de vie meilleure, déjà minés par la situation économique et une inflation stratosphérique.
"Même avant la hausse du dollar, les prix augmentaient. De la viande aux taxis, les conditions de vie étaient déjà difficiles", déclare à l'AFP la jeune femme rencontrée en plein travail sur un projet publicitaire, dans le centre de Téhéran.
La monnaie nationale, le rial, a atteint dimanche matin un plus bas historique face au dollar, selon plusieurs sites de suivi des changes, dans la foulée du retour des sanctions de l'ONU liées au programme nucléaire iranien, levées il y a dix ans.
Pour beaucoup d'Iraniens, qui avaient déjà du mal à joindre les deux bouts, ces sanctions vont aggraver davantage le quotidien.
"Nous allons à la ruine. Les gens ordinaires pourraient bien ne plus pouvoir vivre comme ils le font aujourd'hui", redoute Nassim Company, une chercheuse de 56 ans.
La dépréciation de la monnaie entraîne une flambée du coût des importations et alimente une hyperinflation déjà endémique, qui pèse sur le pouvoir d'achat.
Un dollar s'échangeait dimanche matin pour environ 1,12 million de rials, contre 900.000 début août, selon le taux informel au marché noir.
Les sanctions ciblent entreprises, entités et individus qui contribuent directement ou indirectement au programme nucléaire iranien ou au développement de missiles balistiques, parce qu'ils fournissent les équipements nécessaires, le savoir-faire ou le financement.
L'Iran se défend de toute ambition militaire dans le nucléaire mais insiste sur son droit à disposer de cette technologie à des fins civiles.
Mehrshad, étudiant de 19 ans, dit craindre que le retour des sanctions "n'isole économiquement et politiquement" l'Iran.
- "Survivre" -
Le président iranien Massoud Pezeshkian, qui a fait des négociations avec l'Occident une priorité de son mandat, a jugé "inacceptable" une demande des Etats-Unis de céder tout l'uranium enrichi iranien en contrepartie d'une suspension pour quelques mois des sanctions.
Farid Moradi, écrivain, estime que "le gouvernement aurait dû poursuivre les négociations et, à un moment donné, faire des concessions pour en obtenir en retour".
Et de souligner qu'un kilo de viande coûte désormais 10 millions de rials (moins de 10 euros), un prix exorbitant alors que le salaire minimum est équivalent à 100 euros.
"Comment une famille peut-elle survivre?", s'interroge M. Moradi, âgé de 70 ans.
Pour Mme Company, la chercheuse, les sanctions vont surtout davantage pénaliser les gens ordinaires.
"Les prix, le dollar, l'or... tout va augmenter", énumère-t-elle, envisageant de quitter l'Iran pour une nouvelle vie.
La pression économique a contraint Amir-Abbas, un étudiant de 19 ans vêtu d'un t-shirt Iron Maiden, à arrêter la musique, sa passion.
Sa guitare achetée 30 millions de rials en vaut désormais dix fois plus (environ 260 euros), une somme considérable pour qui voudrait se lancer aujourd'hui.
Malgré ces difficultés, Helia se veut optimiste.
"Nous avons connu le dollar à 100.000 rials, il est à plus d'un million à présent et nous tenons bons", souligne la graphiste.
"Nous vivons grâce à l'espoir et cet espoir est toujours là", assure-t-elle avec un sourire.
A.M.Murray--TNT