The National Times - Cancers colorectaux chez les jeunes: le microbiote intestinal scruté à l'Institut Pasteur

Cancers colorectaux chez les jeunes: le microbiote intestinal scruté à l'Institut Pasteur


Cancers colorectaux chez les jeunes: le microbiote intestinal scruté à l'Institut Pasteur
Cancers colorectaux chez les jeunes: le microbiote intestinal scruté à l'Institut Pasteur / Photo: © AFP/Archives

Un riche microbiote intestinal préserve-t-il du cancer colorectal, et l'alimentation ultra-transformée, en altérant le microbiote, favorise-t-elle l'apparition de cette maladie, en hausse chez les jeunes? Ces questions sont au coeur de nouvelles recherches menées à l'Institut Pasteur.

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Le cancer colorectal fait partie des six cancers (dont ceux du cerveau, du rein, du sein...) dont l'incidence a augmenté parmi les 15-39 ans en France de 2000 à 2020, selon Santé publique France, suscitant l'inquiétude.

Si le fait qu'un mode de vie sain réduit les risques est bien connu - éviter tabac et alcool, manger varié et équilibré, faire de l'activité régulière...-, le lien, encore méconnu, entre cancer colorectal et microbiote intestinal fait l'objet de nombreuses recherches.

Ecosystème complexe de micro-organismes qui vivent dans notre intestin, le microbiote intestinal est essentiel à notre bonne santé: digestion, immunité, protection de la muqueuse intestinale...

On sait que notre régime alimentaire influence sa composition et son fonctionnement: un microbiote déséquilibré peut favoriser l'inflammation et la production de substances toxiques, déréguler notre système immunitaire et ainsi augmenter les risques de développer des cancers, dont le cancer colorectal.

A l'Institut Pasteur, à Paris, le chercheur Benoit Chassaing, directeur de recherche Inserm, dirige le laboratoire "Interactions Microbiote-hôte" -créé il y a un an-, où il explore l'influence de l'alimentation moderne sur le microbiote intestinal et son lien avec le cancer colorectal notamment.

"Nous étudions beaucoup les agents émulsifiants, les additifs les plus couramment utilisés pour allonger la conservation et améliorer la texture des produits: les crèmes glacées, les pains de mie, les barres chocolatées, les vinaigrettes... Nous avons pu montrer qu'ils altèrent le microbiote", explique le scientifique.

- "Transmis à la génération d'après" -

Fin juillet, la revue Nature communications a publié une étude Inserm/Institut Pasteur de son équipe, montrant que chez la souris, la consommation d'additifs alimentaires par la mère altère le microbiote des descendants, augmentant le risque de développer des maladies inflammatoires chroniques.

Des souris femelles ont été exposées à des émulsifiants très courants (E466, E433) 10 semaines avant la gestation, puis pendant la grossesse et l'allaitement. Et les chercheurs ont noté une altération du microbiote des souriceaux: une augmentation de bactéries flagellées, susceptibles de déclencher une réponse inflammatoire.

"Nos travaux montrent que chez la souris, ce microbiote en mauvaise santé est transmis à la génération d'après: ces enfants récupèrent des mauvaises bactéries qui les rendent très susceptibles à l'âge adulte de développer des maladies inflammatoires chroniques de l'intestin, des dérégulations métaboliques et l'obésité", dit le chercheur.

Or certains de ces émulsifiants "se retrouvent également dans le lait en poudre et des aliments pour les jeunes enfants", note-t-il.

Des essais cliniques sur l'homme restent à mener, dans le but d'adopter un jour des réglementations favorisant l'utilisation, par l'industrie agroalimentaire, "d'additifs inoffensifs et l'arrêt de celle d'additifs délétères", poursuit M. Chassaing.

Son équipe étudie aussi la couche de mucus qui tapisse la paroi des intestins: normalement stérile, elle peut, lorsque le microbiote est perturbé, être colonisée par des bactéries favorisant l'apparition de lésions précancéreuses, puis d'un cancer colorectal.

Dans le laboratoire, une pièce abrite le microbiote "in vitro", avec lequel l'équipe mène d'autres recherches. Chauffé à 37 degrés Celsius, dépourvu d'oxygène, il reproduit les conditions de l'intestin: derrière une paroi de plastique, 48 petits compartiments reçoivent des bactéries qui se nourrissent de bol alimentaire (masse alimentaire mastiquée ndlr), comme pendant la digestion.

On peut y observer la réaction de 48 microbiotes singuliers à des additifs alimentaires: on voit si l'un est plus sensible que l'autre à l'impact de ces composants de l'alimentation ultra-transformée -aujourd'hui testés avant commercialisation pour leur toxicité et leur impact sur l'ADN, mais pas sur le microbiote.

Le 8 octobre, l'Institut Pasteur ouvrira son campus parisien au grand public, en lançant la 19e édition du Pasteurdon, sa campagne annuelle de collecte de dons.

I.Paterson--TNT