En Allemagne, course contre la montre pour stocker du gaz avant l'hiver
C'est à l'abri des regards que l'Allemagne met les bouchées doubles pour faire ses réserves de gaz avant l'hiver, une course qui se joue notamment dans la campagne bavaroise, à 1.600 mètres sous terre, dans une des plus grandes installations de stockage du pays.
Au milieu de terres agricoles vallonnées près de la rivière Inn, l'ancien gisement de gaz naturel de Bierwang sert aujourd'hui de réservoir opéré par l'énergéticien allemand Uniper.
Sa capacité de plus de 800 millions de mètres cubes de gaz suffirait à alimenter la ville de Munich pour huit mois.
Entre deux hivers, le site de Bierwang, comme tous les autres réservoirs allemands, doit reconstituer ses stocks.
Cette année, l'enjeu est encore plus crucial : avec la guerre menée par la Russie en Ukraine, Moscou peut à tout moment décider de couper ou de réduire ses approvisionnements de gaz vers l'Allemagne.
Mardi, le groupe russe Gazprom a annoncé baisser de plus de 40% sa capacité quotidienne de livraison vers l'Allemagne via le gazoduc Nord Stream, invoquant un problème technique.
"La sécurité de l'approvisionnement au cours de l'hiver prochain dépendra de deux facteurs : le degré de remplissage des installations de stockage et la quantité de gaz frais qui arrive de manière continue", explique Sebastian Herold, professeur d'économie de l'énergie à l'Université des sciences appliquées de Darmstadt (centre).
- Comprimé dans la roche -
C'est dans ce contexte tendu que Berlin a adopté en urgence une loi imposant que les réservoirs du pays soient remplis à 90% d'ici novembre.
L'ensemble des sites de stockage d'Allemagne ont une capacité équivalente à 25% de la consommation nationale de gaz naturel. En cas de problème, ils sont utilisés en complément des flux livrés par les gazoducs.
"Dans les deux cas (réservoirs et gazoducs, ndlr), les livraisons russes jouent un rôle clé ", rappelle Sebastian Herold, puisque l'Allemagne, malgré la guerre en Ukraine, continue d'acheter massivement du gaz à la Russie.
Le pays tente cependant de réduire sa dépendance, avec une part des importations de gaz russe passée de 55 à 35% ces derniers mois.
A Bierwang, un entrelacement de tuyaux reliés à des bâtisses où vrombissent de grosses turbines permet que le gaz soit comprimé avant d'être injecté dans la roche poreuse, sur une surface souterraine comparable à un tiers de la ville de Paris.
Ce procédé de stockage avance moins vite que celui consistant à injecter le gaz dans d'immenses cavités naturelles creusées dans des couches de sel et qui est plus répandu au nord du pays.
Mais "nous sommes sur la bonne voie pour, espérons-le, assurer la sécurité de l'approvisionnement en gaz cet hiver", assure Doug Waters, directeur général de l'activité stockage chez Uniper, qui exploite neuf réservoirs en Allemagne.
- Gazprom exproprié -
Le taux de remplissage des installations allemandes était mardi de 55%. C'est "mieux que les années précédentes, mais toujours pas suffisant", selon le patron de l'Agence fédérale des réseaux Klaus Müller.
Première puissance économique de l'UE, vouée à débrancher ses dernières centrales nucléaires en fin d'année, l'Allemagne reste assoiffée de gaz, avec plus d'un tiers de sa consommation annuelle utilisée par l'industrie.
Ce sont des négociants ou fournisseurs de gaz qui réservent des capacités de stockage à Bierwang, et sur d'autres sites, pour assurer les livraisons plus tard à leurs clients, entreprises et autres régies municipales.
Dans l'immédiat, "les prix de gros sont tels que nos clients ont une bonne incitation à remplir les installations", estime Michael Schmöltzer, directeur chez Uniper en Autriche.
La situation est cependant plus incertaine pour l'immense réservoir de Rehden, en Basse-Saxe (nord), détenu jusqu'au printemps par l'énergéticien russe Gazprom. Berlin soupçonne le groupe d'avoir délibérément maintenu le stockage à un faible niveau pendant l'été précédant l'invasion de l'Ukraine, y voyant un moyen de pression sur l'Allemagne.
En avril, le gouvernement allemand a pris le contrôle de ce site et d'autres infrastructures stratégiques détenues par Gazprom en Allemagne.
Mardi, Berlin annoncé un plan de sauvetage de plusieurs milliards d'euros pour éviter la faillite à l'ex-filiale de Gazprom et ne pas mettre en danger la sécurité énergétique du pays.
D'une capacité de 4 milliards de m3, le réservoir de Rehden, le plus grand d'Europe, n'est rempli pour l'instant qu'à 7,95%.
A.M.Murray--TNT