Le boulanger de Besançon, l'ovni politique qui bouscule les codes
"Ces chaussures pleines de farine, je les emmènerai à l’Assemblée nationale" : arrivé en tête du premier tour des législatives dimanche soir dans sa circonscription du Doubs, le boulanger Stéphane Ravacley continue de bousculer les codes et chasse les abstentionnistes.
Il y a un an et demi, Stéphane Ravacley, 53 ans, était un boulanger anonyme qui travaillait dur pour faire tourner son fournil du centre-ville de Besançon.
Dimanche celui qui aime à dire qu'il n'est "personne", candidat sans étiquette investi par EELV avec le soutien de la Nupes, a réussi son pari en prenant la tête du premier tour des élections législatives dans la deuxième circonscription du Doubs. Avec 32,51 % des suffrages, il a devancé le député sortant de la majorité présidentielle, Eric Alauzet (31,36 %).
"Ce chemin parcouru, c'est la continuité de celui que j'ai pris en janvier 2021", constate l'artisan. Celui-ci avait alors acquis une notoriété nationale au prix d'une grève de la faim de dix jours pour obtenir la régularisation du son apprenti guinéen, Laye Traoré. Puis il avait enchaîné avec l'organisation d'un spectaculaire convoi humanitaire pour l'Ukraine qui avait encore renforcé sa notoriété.
L'hommage des frères Jean-Pierre et Luc Dardenne, qui lui ont dédié leur Prix spécial lors de la cérémonie de clôture du 75e Festival de Cannes, a achevé sa mue en symbole social, persuadé de pouvoir "changer les choses de l'intérieur", au cœur de la machine politique.
Au premier tour, "l'effet union de la gauche, cumulé à son profil", l'ont mené en tête, ce qui "créer une dynamique positive", analyse la secrétaire EELV de Franche-Comté, Cécile Prudhomme.
- Second tour "très serré" -
Mais avec seulement 465 voix d'avance et peu de réserve chez les autres candidats, Stéphane Ravacley sait que le second tour "va être très serré" dimanche prochain. La clé de la victoire selon lui ? Faire voter les 47,61 % d'abstentionnistes de sa circonscription.
Dès lundi, après avoir attaqué sa journée à 3H00 du matin à la boulangerie et s’être accordé une courte sieste à la mi-journée, il a donc passé une chemise blanche pour repartir sur le terrain.
"On veut changer le visage de l’Assemblée nationale, avec des gens comme moi, qui vous ressemblent, pour porter des sujets qui nous ressemblent", explique-t-il aux parents à la sortie de l'école maternelle de Roche-lez-Beaupré, égrenant les mesures du programme de la Nupes.
"On n'a plus envie d'aller voter, on n'y croit plus", lui répond Gaëlle Joyeux, une mère de famille qui promet néanmoins d'y "réfléchir".
Emeline Domini, infirmière de 35 ans, le reconnaît. "C'est bien ce que vous faites ! On s'identifie à votre combat: les boulangers, comme les infirmières, ce sont des gens qui se lèvent tôt et qui font vivre la France", relève cette mère de trois enfants.
"Si je suis élu, je ne serai jamais qu'un politique, je resterai moi-même", lui promet-il. "Vous voyez ces chaussures pleines de farine, je les emmènerai avec moi à l'Assemblée Nationale, elle monteront les marches, pour me rappeler que je suis là pour vous !", ajoute l'artisan.
- "L'expérience" -
De son côté, le député sortant Eric Alauzet peut espérer un report de voix plus favorable, dont celui d'une partie des électeurs LR (10,80%).
"Je ne me base pas là-dessus, je m'adresse à tous les habitants pour expliquer quel est mon projet et c'est ça qui doit faire la différence", soutient le député Renaissance, satisfait de son score du premier tour.
"Mon projet politique est clair et réaliste, il prend en compte la difficulté des temps, avec la crise ukrainienne, la construction européenne, la crise du Covid, celle du climat et de l'écologie, toutes ces questions que je travaille depuis longtemps", souligne-t-il.
Elu local écologiste depuis 1990 et député du Doubs depuis 2012, ce médecin avait été réélu dans un fauteuil en 2017 alors que LREM n’avait présenté aucun candidat face à lui. Il avait rejoint le parti présidentiel peu de temps après son élection.
"Je suis un candidat solide, implanté et compétent, c'est ma force", estime l'homme de 64 ans, "sur la rampe de lancement pour le deuxième tour". "L’expérience, ça compte beaucoup, sinon, on se contente de slogans et de lamentations", assure-t-il.
M.Wilson--TNT